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Les infractions liées à l’état d’urgence sanitaire

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a instauré en France l’état d’urgence sanitaire et assorti des restrictions concernant les déplacements.

L’article 2, alinéa 4 de la loi dispose que l’article L. 3136-1 du Code de la santé publique concernant les crises sanitaires graves est complété par la disposition suivante : « Si les violations prévues au troisième alinéa du présent article [mesures d’urgences prises en cas de crise sanitaire grave] sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d’intérêt général […] ».

 

Depuis le début des mesures de confinement, plusieurs personnes ont été jugés coupables des violations susmentionnées ont donc été condamnées à des peines de prison ferme ou avec sursis. Le 9 avril, le tribunal correctionnel de Rennes a cependant relaxé le prévenu, qui comparaissait pour avoir violé les restrictions de déplacement à plus de trois reprises dans un délai de trente jours.

 

L’avocat du prévenu a soutenu que le fichier ayant permis aux forces de l’ordre de constater ses multiples verbalisations n’était pas encadré par la loi. Le fichier en question, créé par l’arrêté du 13 octobre 2004 portant création du système de contrôle automatisé, a vocation à constater et enregistrer les infractions prévues à l’article R. 130-11 du code de la route(notamment le non-port de la ceinture de sécurité ou l’usage du téléphone au volant). Ce fichier ne permettant pas d’inclure les infractions des règles du confinement de la loi du 23 mars 2020.

 

Le tribunal correctionnel a repris le moyen de l’avocat pour prononcer la relaxe du prévenu.

 

C’est dans ce contexte que le monde juridique attend la décision du Conseil Constitutionnel concernant ces mesures, suite aux deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) transmises l’une par le tribunal judiciaire de Bobigny,[1]l’autre par le tribunal judiciaire de Poitiers : « Les dispositions du 4ème alinéa de l’article L.3136-1 du code de la santé publique, crée par la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie du COVID-19[2], portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et notamment au principe de légalité des délits et à l’exigence pour le législateur d’épuiser sa propre compétence, ainsi qu’au principe de la présomption d’innocence ? »[3]

 

Aux termes des QPC, sont contestés le non-respect de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (selon lequel « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée ») ; l’article 34 de la Constitution (selon lequel « La loi fixe les règles concernant (…) la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l’amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ») ; le principe d’accessibilité et d’intelligibilité de loi pénale, corollaire du principe de légalité des délits et des peines ; et le principe de la présomption d’innocence encadré par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

 

Ces 2 demandes de transmission de QPC seront examinées lors de la séance du 12 mai prochain par la Cour de Cassation, et les délais du Conseil constitutionnels sont suspendus jusqu’au 30 juin 2020.

[1] TJ Bobigny, 17e ch. corr., 3 avr. 2020, n° 20093000007

[2] Article L3136-1 CSP, Modifié par LOI n°2020-290 du 23 mars 2020 – art. 2

« al. 2 : La violation des autres interdictions ou obligations édictées en application des articles L. 3131-1 et L. 3131-15 à L. 3131-17 est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. Cette contravention peut faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du code de procédure pénale. Si cette violation est constatée à nouveau dans un délai de quinze jours, l’amende est celle prévue pour les contraventions de la cinquième classe.
al. 4 : Si les violations prévues au troisième alinéa du présent article sont verbalisées à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d’intérêt général, selon les modalités prévues à l’article 
131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code, et de la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule.
Les agents mentionnés aux articles 
L. 511-1L. 521-1L. 531-1 et L. 532-1 du code de la sécurité intérieure peuvent constater par procès-verbaux les contraventions prévues au troisième alinéa du présent article lorsqu’elles sont commises respectivement sur le territoire communal, sur le territoire pour lequel ils sont assermentés ou sur le territoire de la Ville de Paris et qu’elles ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête. (…) ».

[3] https://www.actualitesdudroit.fr/browse/penal/peines-et-droit-penitentiaire/26910/sanction-prevue-pour-non-respect-du-confinement-une-qpc-transmise-a-la-cour-de-cassation.

Presse écrite