Par un arrêt du 11 janvier 2017, n° 16-80.619, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé qu’un juge d’instruction ne peut émettre un mandat d’arrêt contre une personne qui vit à l’étranger sans constater que l’intéressé est en fuite, se sait recherché et veut échapper aux poursuites. La personne faisant l’objet de ce mandat d’arrêt, extradée et jugé par le tribunal correctionnel sans s’être vu notifier l’ordonnance de renvoi, est recevable à soulever la nullité dudit mandat d’arrêt. La juridiction saisie doit s’assurer que le mandat d’arrêt était nécessaire et proportionné au regard des circonstances de l’espèce.
Dans cette affaire, une information a été ouverte du chef de proxénétisme aggravé. Le juge d’instruction a délivré une commission rogatoire internationale afin de recueillir les déclarations de M. X…, ressortissant italien résidant aux Etats-Unis, gérant d’une société de services, soupçonné de recruter des prostituées dans le cadre de ce réseau. M. X… a été entendu les 14 et 27 octobre 2009 sur le territoire américain, en présence de son avocat.
Le juge d’instruction a délivré le 24 mars 2011 un mandat d’arrêt à son encontre, en visant la qualification de proxénétisme aggravé. Par ordonnance du 22 mai 2012, il a renvoyé plusieurs personnes, parmi lesquelles M. X…, devant le tribunal correctionnel, sans que l’avis de fin d’information prévu par l’article 175 du code de procédure pénale ait été notifié à ce dernier.
- X…, appréhendé en Grande-Bretagne le 28 mai 2012 en exécution du mandat d’arrêt, a été remis aux autorités françaises le 12 avril 2013 et placé sous contrôle judiciaire par un juge des libertés et de la détention. Il a comparu devant le tribunal correctionnel, qui l’a déclaré coupable de proxénétisme aggravé et a statué sur la peine. Le prévenu et le ministère public ont interjeté appel du jugement.
Devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, l’avocat du prévenu a soulevé une exception de nullité du mandat d’arrêt, en faisant valoir que l’absence de notification de l’avis de fin d’information l’avait privé de la possibilité de formuler des observations lors de la procédure d’instruction et qu’il était recevable à présenter des demandes de nullité devant la juridiction de jugement.
La Cour d’appel a rejeté cette exception en retenant, d’une part, que M. X…, résidant aux Etats-Unis, s’est placé pour ce motif dans l’impossibilité de bénéficier des dispositions de l’article 175 du code de procédure pénale et n’est plus recevable à invoquer des nullités de la procédure d’instruction sur le fondement de l’article 385, alinéa 3, du code de procédure pénale, d’autre part, que le mandat d’arrêt a été valablement délivré dans la mesure où il résidait hors du territoire de la République.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel aux motifs qu’ « en se bornant, pour écarter l’application de l’article 385, alinéa 3, du code de procédure pénale, à relever que M. X… résidait aux Etats-Unis, sans constater que l’intéressé était en fuite, se savait recherché et voulait échapper aux poursuites, et, au surplus, en validant le mandat d’arrêt délivré à l’encontre d’une personne résidant hors du territoire de la République sans apprécier le caractère nécessaire et proportionné du recours à cette mesure de contrainte en fonction des circonstances de l’espèce, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ».
L’affaire a été renvoyée devant la 5èmeChambre correctionnelle de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui, par un arrêt du 6 mars 2018, n° 17/01493, a jugé recevable M. X… à soulever des nullités de procédure devant la juridiction correctionnelle, par application de l’article 385 alinéa 3 du Code de procédure pénale, aucun élément du dossier ne permettant de considérer que se sachant recherché il ait pris la fuite.
Pour la même raison, elle a prononcé l’annulation du mandat d’arrêt délivré à son encontre, en ce qu’il n’apparaissait pas nécessaire et a causé une atteinte disproportionnée aux droits de M. X. Elle a constaté que la nullité du mandat d’arrêt entraînait l’annulation de l’ordonnance de renvoi de M. X… devant le tribunal correctionnel et a renvoyé la procédure au ministère public aux fins de régularisation.
Cf. Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 11 janvier 2017, 16-80.619, Publié au bulletin, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000033879975&fastReqId=437888896&fastPos=1